Le travail le jour d’après
10 avril 2020
En 2000, nous sommes passés aux 35 heures sans réelle réflexion sur le travail et l’organisation du travail. Dans les entreprises, il a été découvert des facteurs d’expositions aux risques existants mais latents tels les Risques psychosociaux (RPS), les Troubles Musculo-Squelettiques (TMS) le versant somatique de ces troubles psychiques bien mal connus sur leur approche psychosomatique. Rien n’a changé, il a fallu foncer pour être dans le paquebot de l’économie et de la mondialisation… La question posée par Bruno Latour dans sa récente contribution[1] apparaît comme indispensable : faudra-t-il reprendre le plus rapidement possible toute production à l’identique ? « Surtout pas » suggère-t-il tel un cri citoyen qui semble la base d’une réflexion essentielle qu’il faudrait mener collectivement pour que la reprise économique, une fois la crise mondiale passée, ne ramène pas le même ancien régime de production, de management, du travail pour lequel tout un chacun essaie vainement de comprendre, ou de lutter contre.
Depuis le début du confinement beaucoup de salariés ont découvert le télétravail. Ce mode de travail est en débat depuis de nombreuses années et pose les questions de l’efficacité, de la valeur produite, de la qualité du travail, de l’autonomie, de la partition entre vie professionnelle et vie personnelle. Le confinement accentue encore ce qui en fait est un travail à domicile. En effet, il se passe en famille où il faut à la fois assurer son quotidien professionnel mais aussi son quotidien personnel et familial. Il faut répondre aux exigences de son activité mais aussi aux exigences de la proximité familiale sans interruption et si l’espace ne le permet pas… On imagine les tensions que la proximité imposée génère chez les grands comme chez les petits. Les facteurs d’expositions aux risques de RPS s’en trouvent multipliés et les pistes de prévention et de solutions bien maigres.
Mais le confinement est aussi une expérimentation en vraie grandeur et en grand nombre d’expériences professionnelles qui existent déjà et une occasion de réfléchir au travail humain, ses objets, ses conditions d’exercice, la reconnaissance des valeurs qui sont produites….
Aussi, l’ITMD dans le respect de ses principes de controverse sur le travail suggère d’engager une double réflexion collective autour du télétravail de maintenant et plus largement du travail du jour d’après. Le Président de la République nous dit que rien ne sera plus comme avant. Alors qu’en sera-t-il du travail de demain quand chacun et chacune auront pour certains pratiqué le télétravail, pour d’autres l’innovation face à des pénuries de toutes sortes, pour d’autres encore de l’autonomie et des initiatives dans l’organisation du travail pour faire face à des absences en grand nombre. Et tout cela avec un sens retrouvé de leur travail et une reconnaissance de la population (applaudissements au balcon ou au passage des éboueurs, petites attentions pour les caissières …) Faudra-t-il oublier tout cela, tout remiser au fond du placard, ou au contraire rebondir sur ces échappées vers une qualité du travail retrouvée, dont on peut être fier. Autant de questionnements qui pourront s’enrichir de ceux que vous saurez proposer. L’objectif est de partager nos réflexions sur les évolutions certainement incontournables du travail de demain dans le respect de la santé et de la sécurité de tous.tes et le respect d’une reprise plus centrée sur le développement durable de notre économie.
Cadres, professions intermédiaires, employés, mais aussi retraités nous sommes en première ligne pour faire face à la crise et réorganiser l’activité en protégeant les équipes. L’enjeu numéro un, comme l’ont martelé les pouvoirs publics, est de protéger notre santé aujourd’hui face à l’épidémie. Mais qu’en sera-t-il demain de la santé au travail si nous ne profitons pas de ce que nous aura appris cet épisode de crise ?
[1] Bruno Latour (2020) Imaginer les gestes-barrières contre le retour à la production d’avant-crise, 29 Mars 2020, AOC.
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