La liberté de choisir son avenir professionnel ?
Stéphane Balas, membre d’ITMD, collège chercheur
Une loi, intitulé « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a été promulguée le 5 septembre 2018 et implique de très nombreux bouleversements dans le champ de la formation professionnelle (gouvernance, financement, définition de ce qu’est une action de formation…).
Le principe majeur de cette loi, confirmé depuis par un arsenal réglementaire sans précédent (plus de 50 décrets d’application sont sortis ou en préparation) est de permettre à l’individu de choisir plus facilement une formation dans l’optique d’obtenir un diplôme. Il s’agit, aux yeux du législateur, de se débarrasser des « lourdeurs » des intermédiaires entre l’individu et l’action de formation, au bénéfice du candidat… et de l’économie qui requièrt flexibilité et réactivité. C’est d’ailleurs pourquoi une application sur smartphone va permettre aux personnes de choisir leur formation, guidées par les « avis » des usagers précédents (type Tripadvisor), puis de s’y inscrire et même de la payer grâce à la monétisation de leur CPF (Compte personnel de formation).
Bien entendu, toute réforme s’appuie sur le constat de dysfonctionnements précédents et la formation professionnelle n’en manque pas. Depuis plus d’un demi-siècle, elle ne parvient pas à faire bénéficier ceux qui en ont le plus besoin d’une formation, alors même que les cadres surqualifiés des grandes entreprises peuvent y accéder. De même, les lourdeurs administratives, le maquis des organismes, la complexité de la réglementation obligent à produire une véritable ingénierie pour parvenir à se faire financer son projet.
Cependant, favoriser l’accès n’est pas déréglementer, simplifier n’est pas abandonner les individus face à l’immensité des possibles. Le choix de cette loi est donc, sous couvert de liberté, de proposer aux personnes de se débrouiller sans les conseils des professionnels de l’orientation, du conseil, sans doute trop nombreux et aux missions trop peu définies et redondantes, mais qui avaient quand même un rôle d’accompagnement qui permettait aux personnes de « mûrir leurs projets ». Aujourd’hui, point de murissement, de l’action ! Je veux, je m’inscris, quitte à m’apercevoir quelques jours ou semaines plus tard que la formation choisie ne me convient pas…
En clair, cette loi offre la liberté aux plus qualifiés, aux plus aptes à se prendre en charge seuls, de faire des choix en conscience. Mais elle risque aussi d’offrir aux plus faiblement équipés, de ce point de vue, la liberté d’être désorientés.
Ainsi, derrière des formules généreuses et positives, se cachent, une fois de plus, un réel bien sombre.